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HIPPOLYTE DE ROME

DÉMONSTRATION DU CHRIST ET ANTICHRIST : PARTIE I

Titre 5
Titre 5

SOMMAIRE

LIVRE AUDIO

I. Vous m’avez souvent demandé, mon cher frère Théophile, de vous donner des éclaircissements sur les principales propositions que j’avais livrées à vos méditations ; je me rends enfin à votre désir, sur un sujet si digne de nous occuper ; et c’est en puisant dans les saintes Écritures, comme dans une source sacrée, les preuves dont j’ai besoin, que je rendrai présents à votre esprit tous les côtés du sujet en discussion. C’est ainsi que, loin de vous contenter de quelques vains sons qui frappent votre oreille, votre esprit pénétrera dans l’essence intime des choses, et votre admiration vous fournira un nouveau sujet de louanges envers Dieu. J’ai lieu d’espérer que cette étude, en fortifiant votre esprit et en jetant dans votre cœur, comme dans une terre toute préparée, une semence féconde, vous servira de sauvegarde à l’avenir contre les dangers du monde ; elle vous fournira aussi des armes pour triompher de ceux qui refusent de croire à nos salutaires doctrines. Prenez garde, toutefois, de vous exposer aux morsures des langues méchantes des incrédules, (car c’est un redoutable écueil ;) mais ayez soin de ne livrer vos enseignements qu’à des hommes religieux et fidèles, et qui ont le désir de marcher saintement dans les voies de la justice et de la crainte de Dieu ; car c’est avec raison que le bienheureux apôtre saint Paul, s’adressant à Timothée, a dit : « Ô Timothée[1] ! gardez bien le dépôt qui vous a été confié, évitant avec soin les paroles vaines et profanes, et les disputes qu’on décore du faux nom de science ; car plusieurs ont erré en s’y abandonnant. » Et plus loin il ajoute : « Quant à vous, mon fils, fortifiez-vous par la grâce qui est en Jésus-Christ, et ayez soin de recommander aux hommes fidèles, qui seront capables de les communiquer à d’autres, les choses que je vous ai dites dans mes exhortations particulières[2]. » Lors donc que le bienheureux Apôtre ne livrait qu’avec précaution et crainte la connaissance des choses qui sont à la portée de tous, prévoyant qu’elles ne trouveraient pas créance dans tous les esprits, à quels plus grands dangers ne nous exposerions-nous pas, si, légèrement et sans nécessité, nous allions révéler aux profanes et aux indignes les plus hauts mystères de la Religion[3] !



II. Nous prendrons pour guides et pour flambeaux les saints prophètes qui, par leur foi dans le Verbe, ont entrevu les mystères, qui ont raconté le passé, le présent et l’avenir ; c’est par là qu’ils ont été non-seulement les hommes de leur siècle, mais encore les hommes des âges futurs. Remplis de l’esprit de prophétie, inspirés par le Verbe, ils étaient eux-mêmes comme un instrument harmonieux que Dieu faisait résonner, et dont il se servait pour annoncer au monde ses volontés et ses desseins. Et certes, il ne faut point croire que, s’ils parlaient de l’avenir, ce fût de leur propre mouvement ; mais c’était la sagesse même du Verbe qui parlait par leur bouche, et qui, après avoir dévoilé à leur esprit les choses futures, les chargeait de les révéler[4]. Il faut donc admettre que les choses qu’ils voyaient avec les yeux de la foi, et que Dieu leur manifestait pour les révéler ensuite, étaient des choses cachées au vulgaire. Car pourquoi aurait-on donné le nom de prophète à un prophète, si ce n’est parce qu’animé de l’esprit de Dieu, il possédait le don de prédire l’avenir ? Car le prophète lui-même cesse d’être prophète lorsqu’il parle d’un événement qui est à la connaissance de tous ; mais il est reconnu pour prophète du moment où il annonce les choses futures. C’est pour cela que le nom de prophète signifie, ceux qui voient depuis le principe des choses[5]. Quant à nous, instruits par leurs prophéties, ce n’est point notre sentiment particulier que nous exposons ; car nous ne devons pas chercher à exprimer dans des termes inusités les choses qui nous ont été annoncées, et tomber ainsi dans des explications arbitraires que chacun entend selon qu’il lui convient ; car c’est le devoir de celui qui parle d’exposer fidèlement les choses qu’il est chargé de faire connaître ; et celui qui l’écoute doit tâcher de mettre à profit ce qu’il entend. Ils ont donc l’un et l’autre un devoir à remplir : l’orateur doit s’expliquer sans contrainte et en toute liberté ; et quant à celui qui l’écoute, il doit recevoir avec une foi entière les choses qui lui sont dites ; c’est dans ces dispositions, et après avoir adressé votre prière à Dieu, que je vous prie de vouloir bien m’écouter.



III. Vous désirez connaître comment le Verbe de Dieu, s’assujétissant à la volonté de Dieu, après avoir été jusque là le Verbe tout-puissant, se manifesta jadis aux saints prophètes[6]. Remarquons d’abord, et avant d’aller plus loin, que le Verbe, dans sa miséricorde infinie, ne fait acception de personne ; connaissant la faiblesse humaine, il se sert du ministère de tous les saints ; il les éclaire et leur inspire ce qu’ils doivent nous enseigner, afin que nous arrivions à notre salut éternel. Ils se plaît à instruire les ignorants, à ramener dans la bonne voie ceux qui s’égarent. Il se laisse facilement trouver par ceux qui le cherchent avec foi ; il ne tarde pas d’ouvrir sa porte à ceux qui viennent y frapper avec des pensées pures et un cœur chaste. Car il ne repousse aucun de ses serviteurs comme indigne des divins mystères. Il ne fait pas plus de cas du riche que du pauvre, et il ne méprise pas le pauvre à cause de sa pauvreté. Il ne reproche pas sa barbarie à celui qui est barbare, et il ne rejette pas l’eunuque comme n’étant pas un homme complet. Il ne hait pas la femme dont la désobéissance produisit le péché originel, et il ne condamne pas l’homme à l’opprobre, parce qu’il viola la loi qui lui avait été donnée : mais il ouvre à tous le trésor de ses miséricordes, et il désire les sauver tous. Il offre son aide à tous les enfants de Dieu, et il confond tous les saints dans l’idée d’une seule et unique perfection. Car lui seul est le Fils de Dieu, et c’est par sa grâce et par celle de l’Esprit saint qu’après avoir été purifiés dans notre régénération, nous espérons tous arriver un jour à cette même et unique perfection.



IV. Le Verbe était incorporel avant qu’il vînt revêtir sa chair sacrée dans le sein de la sainte Vierge, 

formant lui-même le vêtement qui devait être déchiré et mis en lambeaux sur l’arbre de la croix. C’est ainsi qu’il fit participer notre corps mortel à sa propre vertu ; il rendit incorruptible ce qui était sujet à la corruption ; il rendit fort ce qui était faible ; il donna le salut à ce qui avait péri. La passion peut donc être comparée au tisserand qui a tissu la robe qui devait être déchirée sur la croix ; les fils qui la composent, c’est la vertu de l’Esprit saint ; la trame, c’est sa chair sacrée formée par le Saint-Esprit, et dont les différentes parties sont liées entre elles par la divine charité du Christ ; l’instrument qui enlace les fils, c’est le Verbe ; enfin, les ouvriers de cette tunique sacrée, ce sont les patriarches et les prophètes ; car c’est par leurs prédictions que la puissance du Verbe a pénétré de toutes parts comme des rayons de lumière, pour arriver ainsi au parfait accomplissement des desseins de son Père.



V. Mais il est temps d’aborder le sujet que nous nous sommes proposé d’expliquer ; et après avoir rendu grâce à la gloire du Tout-Puissant dans le commencement de ce discours, nous allons interroger les saintes Écritures, qui nous apprendront ce qu’il faut entendre par la venue de l’Antechrist ; dans quel temps, dans quel âge du monde doit-il apparaître[7], d’où viendra-t-il, quelle sera sa patrie, quel sera son véritable nom, que les Écritures se contentent d’indiquer par un nombre ; comment entraînera-t-il les peuples dans l’erreur, les rassemblant sous le même étendard de tous les bouts du monde ; de quelles tribulations, de quelles persécutions affligera-t-il les saints, et comment se fera-t-il passer lui-même pour un Dieu ; quelle sera sa fin ; comment s’annoncera la venue du Seigneur du haut des cieux, ainsi que la conflagration générale de l’univers ; quel sera le règne glorieux et céleste des saints ayant le Christ à leur tête, et comment s’effectuera le châtiment des impies par le feu ?



VI. Notre Seigneur Jésus-Christ est annoncé dans sa venue semblable à un lion[8], à cause de la hauteur et de la splendeur de sa gloire ; les Écritures désignent aussi l’Antechrist sous la figure du lion, à raison de sa tyrannie et de sa violence. Car le tentateur voudrait se montrer en tout semblable au Fils de Dieu. Le Christ est un lion, l’Antechrist est pareillement un lion : le Christ est roi, l’Antechrist est roi ; le Seigneur s’est montré comme un agneau[9], l’Antechrist cachera sa nature de loup sous la douceur d’un agneau. Le Sauveur a été circoncis lors de sa venue dans le monde ; l’Antechrist le sera pareillement. Le Seigneur a envoyé ses apôtres prêcher toutes les nations ; il enverra aussi en tous lieux de faux apôtres. Le Sauveur[10] est venu ramener au bercail les brebis égarées ; l’Antechrist rassemblera également autour de lui ceux des siens qui seront dispersés. Le Sauveur a donné à ses fidèles un signe de ralliement ; il en donnera un également aux siens. Le Sauveur s’est montré sur la terre sous une forme humaine ; l’Antechrist viendra sous la même forme. Le Sauveur a construit un temple avec sa chair[11] ; l’Antechrist construira aussi un temple à Jérusalem. Nous énumèrerons plus loin tous les artifices qu’il emploiera pour séduire. Reprenons quant à présent le sujet que nous avons annoncé.



VII. Lorsque le patriarche Jacob donna sa bénédiction à ses enfants, il prophétisa la venue du Sauveur du monde, en ces termes : « Juda, tes frères chanteront tes louanges. Tes ennemis éprouveront la pesanteur de ton bras : les fils de ton père t’adoreront. Juda est semblable à un lionceau. Dans ton repos, tu t’es endormi comme un lion et comme le petit d’une lionne : qui l’éveillera ? Le sceptre et la puissance resteront dans la tribu de Juda, jusqu’à ce que celui qui doit être envoyé soit venu, et il sera l’attente des nations. Il attachera son ânesse à une vigne par son licol, et son ânon à un cep de vigne. Il lavera sa robe dans le vin, et son manteau dans le sang du raisin. Ses yeux seront plus rouges que le vin, et ses dents seront plus blanches que le lait[12]. »



VIII. J’aurais pu rapporter ces paroles avec des expressions équivalentes ; j’ai préféré vous faire connaître le texte même. La parole divine a une puissance particulière de persuasion. Celles que je viens de citer sont divines et sublimes, et elles s’expliquent naturellement. Le prophète désigne par un lionceau celui qui est de la race de David selon la chair, bien qu’il n’ait pas été engendré de la semence de David, mais il a été conçu du Saint-Esprit, et il procède d’un germe sanctifié, quoiqu’il appartienne à la terre. Ce qui était annoncé par Isaïe en ces termes : « Une verge sortira de la tige de Jessé, et une fleur naîtra d’elle[13]. » Ce que Jacob appelle le germe, Isaïe le désigne par une fleur. Car le Christ a germé d’abord, et puis il a fleuri dans le monde. Ensuite, lorsque Jacob a dit qu’il s’est couché, qu’il a dormi comme un lion, et comme le petit d’une lionne, il a voulu signifier le sommeil du Christ pendant trois jours dans le tombeau. Et aussi Isaïe a dit : « Comment la fidèle Sion est-elle devenue une prostituée, et s’est-elle remplie de crimes ? Celle qui se reposait dans la justice est pleine d’homicides[14]. » Et aussi David a dit : « Je me suis endormi, et j’ai été comme anéanti dans mon sommeil ; mais je me réveille, parce que le Seigneur viendra à mon aide[15]. » Il fallait que cette prophétie montrât qu’il s’est endormi, et qu’ensuite il s’est éveillé. Or, Jacob dit : « Qui l’éveillera ? » Ce qui revient à la même pensée exprimée par David, et comme l’explique saint Paul : « Puisque c’est Dieu le Père qui l’a rappelé d’entre les morts[16]. »



IX. Et ensuite Jacob, en disant : « Le sceptre et la puissance resteront dans la maison de Juda, jusqu’à la venue de celui qui a été promis : et il sera l’attente des nations, » montre par-là l’accomplissement de la prophétie. Car le Messie est notre attente. C’est lui que nous voyons des yeux de la foi, venant vers nous du haut du ciel par sa propre vertu.



X. Il attachera son ânesse à un cep de vigne : c’est-à-dire qu’il marque son peuple élu par le signe de la circoncision. Car lui-même il était la vigne[17]. Et il attachera son ânon à la vigne ; c’est-à-dire il ramènera son peuple à lui du milieu des nations, et il aura une seule foi, et sera marqué du même signe, celui de la circoncision.



XI. Il lavera sa robe dans le vin : pour annoncer qu’il se purifiera à la voix du Saint-Esprit dans les eaux du Jourdain. Et il lavera son manteau dans le sang du raisin. N’est-il pas évident que le sang de la vigne ne signifie autre chose que le sang de sa propre chair, qui a été foulée sur le bois de la croix comme une grappe de raisin : de son flanc couleront deux fontaines, une de sang, une d’eau, dans lesquelles les nations seront lavées comme un vêtement, et purifiées de leurs souillures.



XII. Ses yeux seront brillants comme ceux d’un homme animé par le vin. Or, les yeux du Christ signifient ici les saints prophètes qui ont prévu et annoncé ses souffrances ; et qui se réjouissaient néanmoins, en contemplant des yeux de la foi, et par l’effet de sa grâce et de sa divinité, sa force et sa puissance.



XIII. Et en disant ensuite : Et ses dents seront plus blanches que du lait, le prophète a voulu signifier que les préceptes qui sortiraient de la bouche du Christ seraient doux et purs comme le lait.



XIV. Les Écritures ont donc prédit ce lion et ce lionceau. Elles ont aussi annoncé la venue de l’Antechrist. Voici ce qu’a dit Moïse : Dan sera comme un lionceau, et il viendra de Basan[18]. Mais il faut bien faire attention que cette prophétie ne s’applique pas au Sauveur du monde. Dan, dit Moïse, est comme le petit du lion. Par ces mots, il a voulu désigner la tribu de Dan, de laquelle doit naître l’Antechrist. Car, de même que le Christ doit sortir de la tribu de Juda, ainsi l’Antechrist doit sortir de celle de Dan. Jacob parle dans le même sens, quand il dit : « On verra paraître Dan, le serpent, rampant sur la terre et mordant le pied du cheval[19]. » Or, qui peut être le serpent, si ce n’est l’Antechrist, le tentateur, celui qui est nommé dans la Genèse, celui qui a séduit Ève et fait pécher Adam[20] ? Cependant, comme il faudrait appuyer cette opinion d’un certain nombre de preuves, je ne suis pas embarrassé d’en fournir.



XV. En effet, le prophète n’a-t-il pas annoncé qu’il naîtrait et qu’il sortirait de cette tribu de Dan un roi qui serait tyran, juge implacable et fils du démon, lorsqu’il a dit : « Dan gouvernera son peuple en même temps que toutes les tribus d’Israël. » Mais, pourra-t-on dire, ceci s’applique à Samson, qui est sorti de la tribu de Dan, et qui a jugé le peuple pendant vingt ans. Il me semble que ce passage peut s’appliquer dans un sens particulier à Samson, et à l’Antechrist dans un sens général. Car Jérémie dit : « Nous avons entendu de Dan le fracas que faisaient les chevaux de l’ennemi dans leur course rapide ; toute la terre a été ébranlée par le bruit de leurs hennissements[21]. » On lit dans un autre prophète : « Il rassemblera toutes ses armées depuis le levant jusqu’au couchant. Ceux qu’il n’aura pas appelés, comme ceux qu’il aura appelés, le suivront. La multitude des voiles de ses vaisseaux blanchiront la surface de la mer, et ses camps paraîtront tout noirs par la multitude des boucliers. Si quelqu’un ose le provoquer au combat, il tombera frappé de son glaive. » Or, ceci n’a pu être dit que de cet Antechrist, ce tyran ennemi de Dieu, comme nous le démontrerons par la suite.



XVI. — Mais Isaïe dit[22] : « Mais lorsque le Seigneur aura accompli toutes ses œuvres sur la montagne de Sion et dans Jérusalem, je visiterai, dit-il, cette fierté du cœur insolent du roi d’Assur, et cette gloire de ses yeux altiers. Car il a dit en lui-même : C’est par la force de mon bras que j’ai fait ces grandes choses, et c’est ma propre sagesse qui m’a éclairé : j’ai enlevé les anciennes bornes des peuples, j’ai pillé les trésors des princes, et comme un conquérant, j’ai arraché les rois de leurs trônes. Les peuples les plus redoutables ont été pour moi comme un nid de petits oiseaux qui s’est trouvé sous ma main : j’ai réuni sous ma puissance tous les peuples de la terre, comme on ramasse quelques œufs qui ont été abandonnés ; et il ne s’est trouvé personne qui osât seulement remuer l’aile, et ouvrir la bouche. La cognée se glorifie-t-elle contre celui qui s’en sert ? La scie se soulève-t-elle contre la main qui l’emploie ? C’est comme si la verge s’élevait contre celui qui la lève, et si le bâton se glorifiait, quoique ce ne soit que du bois. — C’est pour cela que le Seigneur des armées fera sécher de maigreur les forts de l’Assyrien ; et sous sa victoire il se formera un feu qui les consumera, comme une forêt. »



XVII. — Le même prophète dit, dans un autre endroit[23] : « Qu’est devenu ce maître impitoyable ? Comment ce tribut qu’il exigeait si sévèrement a-t-il cessé ? Le Seigneur a brisé la verge des impies, de ces fiers dominateurs. Dans leurs fureurs, ils frappaient les peuples de plaies incurables, ils s’assujétissaient les nations et les persécutaient cruellement. Toute la terre est maintenant dans le repos et le silence, elle est dans la joie et l’allégresse. Les cèdres du Liban se sont réjouis de ta perte : Depuis que tu es mort, disent-ils, il ne vient plus personne qui nous coupe et qui nous abatte. — L’enfer même a été troublé à ta venue ; il a fait lever les géants à cause de toi. Tous les princes de la terre et tous les rois des nations sont descendus de leurs trônes. Ils s’adresseront à toi, et te diront : « Tu as donc été percé de plaies, aussi bien que nous, et tu es devenu semblable à nous.

« Ton orgueil a été précipité dans les enfers ; ton corps mort est tombé par terre : ta couche sera la poussière, et les vers seront ton vêtement. Comment es-tu tombé du ciel, Lucifer, toi qui paraissais si brillant à l’aube du jour ? Comment as-tu été renversé sur la terre, toi qui frappais de plaies les nations ? — Qui disais en ton cœur : Je monterai au ciel, j’établirai mon trône au-dessus des astres de Dieu, je m’asseyerai sur les montagnes élevées qui sont du côté de l’aquilon. Je me placerai au-dessus des nuées les plus élevées, et je serai semblable au Très-Haut ! Et néanmoins, tu as été précipité de cette gloire dans l’enfer, jusqu’au plus profond des abîmes. Ceux qui te verront s’approcheront de toi, et ils te diront ironiquement : « Est-ce là cet homme qui a épouvanté la terre, qui a jeté la terreur dans les royaumes ; qui a fait du monde un désert, qui en a détruit les villes, et qui a retenu dans les chaînes ceux qu’il avait vaincus ? » Tous les rois de la terre sont morts avec gloire, et ils ont chacun leur tombeau. Mais toi, tu as été jeté loin de ton sépulcre, confondu dans la foule de ceux qui ont péri, et dont les cadavres sont enfouis dans le sein de la terre. Comme un vêtement souillé de sang ne saurait en être jamais purifié, de même tu ne pourras jamais devenir pur. Parce que tu as ensanglanté la terre, parce que tu as fait périr mon peuple, tu seras anéanti. Race de méchants, vos enfants périront à cause de l’iniquité de leurs pères ; ils seront abaissés, et la terre ne leur appartiendra pas. »



XVIII. Ézéchiel s’exprime dans le même sens dans le passage suivant, où il dit[24] : « Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Parce que votre cœur s’est élevé, vous avez dit en vous-même : Je suis un Dieu, et j’habiterai sur le trône de Dieu au-dessus des nuées : mais vous n’êtes qu’un homme, et vous n’êtes pas Dieu, et cependant vous vous êtes cru à l’égal d’un Dieu. Car vous avez cru être plus sage que Daniel, et qu’il n’y avait point de secret qui vous fut caché. Par votre prudence vous êtes devenu puissant, et vous avez amassé des trésors d’or et d’argent. Vous avez accru votre puissance par votre adresse et par votre industrie ; et votre cœur s’est exalté dans les richesses. C’est pourquoi voici ce que dit le Seigneur Dieu : Parce que votre cœur s’est enflé jusqu’à vous croire l’égal de Dieu, j’amènerai contre vous de puissants ennemis, ils viendront l’épée à la main abattre votre richesse avec tout son éclat, et ils souilleront votre beauté. Ils vous tueront, ils vous précipiteront du trône, et vous serez précipité dans la mer au milieu d’un grand carnage. Direz-vous encore, lorsque vous serez dans la main de vos meurtriers, direz-vous encore : Je suis un Dieu, vous qui n’êtes qu’un homme, et non pas un Dieu ? Vous mourrez parmi les incirconcis et de la main des étrangers, parce c’est moi qui ai parlé, a dit le Seigneur. »



XIX. Après avoir rapporté ces textes, examinons encore avec plus d’attention ce que dit Daniel dans ses visions. Là le prophète désigne clairement les empires futurs, et il annonce la venue de l’Antechrist pour la fin des temps, ainsi que l’embrasement universel. Il dit donc à la fin de la vision de Nabuchodonosor : « Tu étais roi, et tu voyais un grand colosse qui se tenait debout devant toi : sa tête était d’or très-fin ; ses[25] bras et ses épaules étaient d’argent, son ventre et ses cuisses, d’airain ; ses jambes, de fer ; et ses pieds, partie de fer et partie d’argile. — Alors, tu as vu une pierre qui s’est détachée d’elle-même de la montagne : elle a frappé les pieds faits de fer et d’argile du colosse, et les a réduits en poussière. Aussitôt tout ce qui servait à former le colosse, c’est-à-dire l’argile, l’airain, l’argent, l’or ont été également réduits en une poussière qu’on balaye de l’aire : elle a été emportée par un grand vent qui s’est élevé tout à coup, et le lieu même où était auparavant le colosse a disparu. La petite pierre qui avait frappé le colosse est devenue une grande montagne qui a rempli toute la terre. »



XX. Si maintenant nous rapprochons les passages des visions de Daniel, nous verrons avec quelle exactitude ces prophéties se rapportent entre elles, et combien elles sont dans un parfait accord. En effet, Daniel s’exprime ainsi[26] : « J’ai eu une vision. Il me semblait que les quatre vents du ciel se livraient un combat violent au-dessus de la mer. Quatre grandes bêtes, qui n’avaient point de ressemblance entre elles, montaient hors de la mer. La première était comme une lionne, et elle avait des ailes d’aigle ; mais, pendant que je la regardais, ses ailes lui furent tout à coup arrachées ; puis elle se tint debout, et sur ses pieds comme un homme, et il lui fut donné un cœur d’homme. La deuxième bête ressemblait à un ours ; elle avait dans la gueule trois rangs de dents, et des voix lui disaient : Lève-toi, et rassasie-toi de carnage. Ensuite j’en vis une autre qui ressemblait à un léopard ; elle avait sur son dos quatre ailes comme les ailes d’un oiseau : cette bête avait quatre têtes. Je regardais toujours, et je vis paraître une quatrième bête dont la vue était terrible et effroyable. Elle était douée d’une grande force ; elle avait des dents de fer, ses ongles étaient d’airain, elle dévorait ou foulait aux pieds tout ce qui se présentait devant elle. Elle était très-différente dans ses formes des trois autres bêtes, et elle avait dix cornes. Je considérais ces cornes, et je vis une petite corne qui sortait du milieu des autres. Trois de ces dix grandes cornes furent arrachées de sa tête. La petite corne avait des yeux comme les yeux d’un homme, et une bouche d’où sortait un langage extraordinaire. »

Note :

  1. II Timothée, vi, 20.

  2. ↑ II Ib. ii, 1.

  3. ↑ II Thess. iii, 2.

  4. ↑ II Pet. i, 21.

  5. ↑ I Reg. ix, 9.

  6. ↑ Is. xli, 1. Math. xii, 18.

  7. ↑ II Thess. ii, 8.

  8. ↑ Joan. xviii, 37.

  9. ↑ Ib. i, 29.

  10. ↑ Joan. xi, 52.

  11. ↑ Ib. ii, 19.

  12. ↑ Gen. xlix, 8.

  13. ↑ Isaïe, xi, 1.

  14. ↑ Is. i, 21.

  15. ↑ Psalm. iii, 6.

  16. ↑ Gal. i, 1.

  17. ↑ Joan. xv, 1.

  18. ↑ Deut. xxxiii, 22.

  19. ↑ Gen. xlix, 17.

  20. ↑ Gen. iii, 1.

  21. ↑ Jérém. viii, 16.

  22. ↑ Is. x et suiv.

  23. ↑ Isaïe, xiv, 4 et suiv.

  24. ↑ Ézech. xxviii, 2.

  25. ↑ Dan. ii, 13 et suiv.

  26. ↑ Dan. vii, 2 et suiv

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